Architecture transformative

Elégance, simplicité, les architectes de l’agence brésilienne Ambidestro déploient un style aux contours rigoureux… Une rigueur pourtant souvent chamaillée par des détails qui viennent contraster silencieusement les vœux pieux de l’agence.

À l’origine, il y avait la nature. Puis vint la nécessité de l’habitat. Le bâti. Une construction imaginée par un besoin de rémanence instinctif et le désir fugitif de petites frivolités. C’est sur ces modes, ce champ spéculatif, que l’agence d’architecture de Porto Alegre, Ambidestro, a érigé sa philosophie. Une démarche épistémologique faite de dispositions particulières et éphémères – les modes – et d’une essence, d’un ADN : le style. Pour João Pedro Crescente et Raquel Zaffalon, les fondateurs de l’agence, il s’agit ici de répondre à ces modes par un langage formel qui est aujourd’hui devenu le leur. Ce sera celui de la simplicité, de la singularité mais aussi d’une syntaxe intemporelle qui marquerait leurs desseins avec une élégance discrète et un confort feutré. Car pour João Pedro Crescente et Raquel Zaffalon, l’architecture en tant qu’art – mais aussi peut-être science ? – est un élément transformatif, significatif qui paraphrase la vie et son confort dans une célébration structurelle. En bref, l’architecture doit rendre service à ceux qui l’investissent.

Et pour rendre ce service, les deux architectes et leur équipe font montre d’une belle adresse. De celle qui marque son ton sans jamais forcer le trait. On y retrouve quelques idiomes qui, d’un projet à l’autre, sentent presque la signature. Cette façon d’abord de délimiter les espaces ouverts par des changements visuels de rythme. Par la variation des matériaux, du béton au bois plaqué brun en passant par des murs teintés de blanc ou noir, mais jamais beaucoup plus, les architectes offrent à leurs espaces un pluralisme, une épaisseur, une profondeur. C’est sans doute cela le confort spatial ? Pourtant jamais, semble-t-il, ne poussent-ils le jeu trop loin. Ce serait sans doute enfreindre une de leurs lois, celle de cette simplicité revendiquée haut et fort et qui frappe les espaces des appartements Aspen ou ABC, entre autres. Car un peu plus ferait sans doute passer les projets de l’agence dans une cacophonie visuelle non souhaitée. Ici, le trait doit s’arrêter avant même que l’on ne puisse imaginer le tumulte, pour laisser place nette à l’ordre serein de l’espace hautement organisé.

Mais alors, comment faire sortir de sa rigueur, sa torpeur même, un lieu qui par essence doit servir les habitants qui l’occupent ? Ici, João Pedro Crescente et Raquel Zaffalon changent d’instrument. Pour briser froideur et ordre, ils utilisent quelques gimmicks qui, bien plus que de créer la tempête, posent les choses. Avec en pièce maîtresse ce canapé, un idiome fort de l’agence, qui s’impose comme l’incarnation physique d’un confort sans rigueur et sans limite. Partout, de l’appartement JB ou Anita, le sofa est presque démesuré. Si ce n’est par la taille, ce pourra être par sa couleur franche et péremptoire comme dans l’appartement Aspen où son cuir orangé rompt tous les codes mis en place autour de lui, pour venir s’imposer incontournable, comme un centre névralgique et perturbateur. Le point culminant de toutes les sensibilités.

www.ambidestro.arq.br

Photos : © Marcelo Donadussi


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