Autodidacte, amoureux du dessin et du bois, le designer parisien Christophe Delcourt s’est formé auprès d’artisans, avant de concevoir ses premières pièces. Grâce à son savoir-faire et à son talent, il s’est forgé une solide réputation dans le petit monde du design. Pour sa quête de la perfection, son alliance subtile et maîtrisée des formes et des matières, pour ses traits purs et élégants… En 1995, Christophe Delcourt fonde sa propre maison d’édition, mais il continue d’étayer son propos auprès d’autres maisons, dont Minotti. En 2017, il débute une collaboration avec le prestigieux éditeur italien de mobilier, où il insuffle sa vision de la décoration à la française. Le designer revient sur cette association et sur les collections d’exception dessinées pour l’entreprise, dont, cette année, des systèmes modulaires de sièges et de meubles bas tout à fait innovants… Entretien.
Il y a plus de deux ans, la maison italienne de mobilier Minotti faisait appel, pour la première fois, à des designers extérieurs, dont vous-même, pour dessiner ses collections. Comment est née cette collaboration ?
Christophe Delcourt : Tout simplement ! Roberto Minotti, co-pdg de la société avec son frère Renato, suivait mon travail et ma production depuis quelques années sur Instagram… Un jour, il m’a envoyé un mail pour demander si j’acceptais de le rencontrer. Et tout s’est enchaîné !
En quoi votre profil les séduisaient-ils ?
Christophe Delcourt : Ces dernières années, Rodolfo Dordoni, le directeur artistique de la marque, avait constitué tout un catalogue rationnel avec une esthétique assez masculine. Intégrer de nouveaux designers, c’était miser sur la richesse des cultures. J’ai rejoint Minotti après Gordon Guillaumier, puis d’autres sont arrivés : Nendo, Marcio Kogan et GamFratesi ensuite. En tant que français, on ose davantage les mélanges, les associations de lignes droites avec des courbes, des choses plus décoratives aussi.
Quelle est l’essence de Daniels et Amber, vos dernières collections avec Minotti, présentées en avril au salon du meuble de Milan ?
Christophe Delcourt : L’objectif de départ, c’est la centralité, de retrouver une fonction dans le centre de la pièce. Ces collections ont été pensées pour pouvoir répondre à de nouveaux besoins d’habiter que sont par exemple des maisons avec beaucoup de parois vitrées, des maisons décloisonnées, etc. Daniels est un système de sièges d’une extrême modularité, permettant des compositions inédites au sein desquelles des courbes régulières et des ellipses interrompent la linéarité de la configuration pour lui conférer un vrai dynamisme. Pour ce programme, l’idée était d’interpréter tous les besoins possibles pour configurer toutes les formes inimaginables. Il compte 150 modules différents, conçus selon un concept de haute modularité et de confort maximal. Daniels décline de nombreux textiles haut de gamme et/ou des cuirs, des formes droites et des lignes courbes, des profondeurs différentes de canapés, banquettes ou méridiennes pour s’asseoir autrement. Les décalages des dossiers permettent également de caler d’autres fonctions au niveau du dos du canapé : bureau, console ou autre. Il existe par ailleurs différents accoudoirs aimantés, pouvant ainsi se déplacer pour se transformer en assise ou en repose-pieds… Le meuble n’est plus statique, il s’adapte à chaque situation.
Quant à Amber, il s’agit d’un système de meubles bas, en bois, acier et/ou marbre, qui atteint une expressivité maximale avec les sièges Daniels. Il se compose d’une dizaine de modules de multiples formes : des quarts, huitièmes et seizièmes de cercle, des éléments carrés à compartiments ouverts ou fermés par un tiroir… Les meubles Amber permettent d’envisager des compositions d’éléments modulaires qui déploient à l’infini leurs formes dans l’espace. On peut y ranger des choses et pas simplement y poser des objets. Ces tables basses prolongent l’assise mais peuvent vivre indépendamment.
En somme, ces systèmes permettent d’envisager tous les scénarios…
Christophe Delcourt : Oui. Il s’agit presque d’une performance ! Au départ, nous n’avions pas imaginé un tel développement, mais ce système se prêtait tellement à la configuration de paysages nouveaux que nous nous sommes laissés entraîner dans cette histoire ! Le concept devait aussi pouvoir être complètement transversal, car aujourd’hui Minotti traite l’usage domestique et l’usage lié au domaine de « l’hospitality ». Daniels et Amber créent une architecture dans l’architecture, donnent du caractère et une vraie structure à l’espace.
Combien de temps a demandé le développement de ces programmes ?
Christophe Delcourt : Une année environ. Nous avons démarré les briefings après le salon du meuble 2018 de Milan. Les dessins ont émergé au mois de juin-juillet de la même année. Les premiers prototypes sont sortis en octobre et tout a été bouclé en janvier 2019. Chez Minotti, tout ce qui est montré au salon du meuble de Milan est déjà produit et « marketé ». C’est extraordinaire ! C’est un investissement colossal, car il faut vraiment croire en ses produits pour agir ainsi. Minotti prend ce risque avec le designer. Pour nous, c’est un engagement et une confiance que l’on trouve assez peu…
Comment envisagez-vous l’avenir avec cet éditeur ?
Christophe Delcourt : Chaque année, leur envie n’est pas de sortir une nouveauté pour la nouveauté. Les créations doivent correspondre à un besoin encore non assouvi. C’est à moi d’avoir des idées et d’apporter de nouvelles choses. Tant que j’aurai quelque chose à dire, notre collaboration durera. Eux comme moi savons que nous avons encore des histoires à raconter ensemble. Quand les Minotti décident de développer un programme, ils vont jusqu’au bout. Ils ne renoncent pas et font face aux difficultés. C’est très valorisant pour un designer. Et il y a aussi une belle écoute, une équipe solide… C’est une marque que j’admire.
Sur quels sujets travaillez-vous en ce moment avec eux ?
Christophe Delcourt : Toujours sur le développement du siège, de la collection Amber, et sur de nouvelles idées…
Cette collaboration vous oblige-t-elle à mettre de côté votre production personnelle ?
Christophe Delcourt : Non. Rien n’est négligé. Je développe toujours ma propre collection que je présente tous les ans à Milan. Et je suis aussi très fier de pouvoir produire d’autres designers. Car je sais d’où je viens et je connais la difficulté d’être produit… En outre, je travaille pour d’autres marques, entre autres pour Collection Particulière, Sutherland, Tectona, etc. J’ai aussi réalisé des pièces pour cc-tapis. Je mène tout de front. J’ai également un projet, autour du siège, avec une belle maison d’édition française.