Les dessins en archipel de Raphaël Tachdjian

À mi-chemin entre Sa Majesté des mouches et les contes de Grimm, on entre au pays de Raphaël Tachdjian. Ses dessins en noir et blanc se gravent sur la rétine telles des évocations d’un temps suspendu, aux frontières du réel, entre rêve et cauchemar.

À mi-chemin entre Sa Majesté des mouches et les contes de Grimm, on entre au pays de Raphaël Tachdjian. Ses dessins en noir et blanc se gravent sur la rétine telles des évocations d’un temps suspendu, aux frontières du réel, entre rêve et cauchemar.

Au commencement, il y a l’enfant, celui pour lequel tout (ou presque) est jeu et découverte. Le temps file, les jeux se transforment, deviennent plus tristes ; l’adolescent se cherche et parfois l’adulte ne se trouve pas. Raphaël Tachdjian, dessinateur français de talent, s’attache à rendre compte de ces hésitations, de ces déceptions, de cette frontière subtile qui fait basculer dans l’horreur le conte de fées, avec toute la subtilité, l’intensité du trait de sa pierre noire.

Quelle place tient le dessin dans votre vie ?

Raphaël Tachdjian : Il prend toute la place, et ce, depuis quelques années déjà. D’ailleurs, je ne prends quasiment pas de vacances. Partir une semaine me saoûle. Au bout de deux jours, je m’ennuie. Je ne peux pas rester sans créer. Le dessin est ce que je maîtrise le mieux.

Quelle formation avez-vous suivie ?

Raphaël Tachdjian : J’ai été formé à l’Ecole de Condé, avec une spécialisation de dessinateur dans l’édition et la publicité. Mais le modèle « 99 francs » ne m’attirait pas beaucoup. Mon professeur de graphisme m’a orienté vers les Chapiteaux Turbulents, un lieu où l’on travaille avec des personnes autistes surtout. J’y suis resté sept ans. En parallèle, je développais mon travail d’atelier. Pour finir, j’ai quitté les Chapiteaux pour me consacrer totalement à la création. Me reste de cette période-là quelque chose du déchirement entre le monde des adultes et celui des enfants. C’est un univers en soi dont on tombe amoureux. Parfois, cela me manque.

Pourquoi la pierre noire, alors que dans vos travaux plus anciens il y avait encore de la couleur ?

Raphaël Tachdjian : Sans doute est-ce lié à ma formation de graphiste : on fait tout en noir et blanc ; ensuite on met de la couleur. Dans mon travail, la couleur n’amenait rien. Il aurait fallu qu’elle ait été pensée en amont. Elle amoindrissait mes dessins. La pierre noire, quant à elle, a une intensité qu’il est difficile d’obtenir même avec le fusain. À la fin du dessin, je caresse le papier pour apporter une douceur, un velouté. 

Votre dessin semble avoir une base photographique ?

Raphaël Tachdjian : Absolument. Grâce à Internet, entre autres, je me suis bâti une banque d’images très fournie. Je fais attention à ce qu’elles soient tombées dans le domaine public. Ensuite, je les retravaille sur Photoshop ; je les agence comme je le sens, je compose. Le vrai travail de création est là. Le passage au dessin relève surtout de la technique. 

Est-ce pour cette raison qu’on retrouve les mêmes personnages d’un dessin à l’autre ?

Raphaël Tachdjian : Tout à fait. Cette idée de continuation me plaît beaucoup. Un même personnage dans un autre contexte induit une nouvelle narration ; il mène une autre vie. D’ailleurs, selon l’accrochage dans une expo, ce sont des histoires différentes qui sont racontées. Cela permet de rencontrer les imaginations des autres, de ceux qui regardent et cela m’amuse.

Qu’est ce qui anime votre main ?

Raphaël Tachdjian : Je voudrais raconter des histoires d’amour dans des décors de films d’horreur. Que ce soit beau et inquiétant. En fait, c’est cet entre-deux qui me passionne, cet espace-temps entre l’enfance et l’âge adulte. Et puis, je voudrais laisser des petits trucs derrière moi. 

De son propre aveu, obsédé par la fuite du temps et par la mort, Raphaël Tachdjian s’acharne, par un subtil mélange de méthode et d’enthousiasme, à paver son chemin des traces de son passage dans cette vie-là. Opiniâtre Peter Pan, armé d’une pierre noire et d’un crayon, il dessine avec précision, maîtrise et délicatesse, une métamorphose qui ne finit jamais, une odyssée au bord du désenchantement du monde. Juste au bord…

www.schoolgallery.fr

ventedart.com