Spécialisé dans l’hôtellerie haut de gamme, l’architecte d’intérieur et décorateur parisien Laurent Maugoust œuvre depuis quinze ans dans ce domaine. S’il aime particulièrement les lieux chargés d’histoire et jouer avec les codes classiques, il s’adonne également à d’autres exercices stylistiques plus singuliers, tout en inventant des univers épurés, modernes, intemporels, voire décalés. Avec un art de la mise en scène qui le différencie. Entretien avec un créatif de 44 ans, totalement passionné par sa discipline.
Laurent Maugoust a déjà livré six hôtels cette année… À Paris, Nice, Tokyo, Roscoff. Ne pensez pas que son agence fourmille de collaborateurs, et que la chose est aisée. Non, son agence parisienne compte à peine une dizaine de collaborateurs. Mais l’architecte d’intérieur nous explique qu’il accepte beaucoup de projets de conception. Des réalisations qu’il honore à merveille, sublimées par les beaux matériaux qu’il affectionne, par le travail des artisans, par son génie créatif.
L’un de ses derniers opus, l’Hôtel Victor Hugo quatre étoiles, dans le XVIe arrondissement de Paris, est un véritable écrin Art déco, inspiré par l’architecture originelle de l’adresse. Ici, il a réinterprété ce style, mais de manière réellement contemporaine, « replaçant, à la manière des ensembliers, l’ornement et le décor au cœur de la recherche esthétique ». Pour l’Hôtel Parisianer, autre quatre étoiles achevé en mai dernier, à deux pas du Viaduc des Arts et de la gare de Lyon, il a imaginé une atmosphère d’une « précieuse décontraction », où se côtoient belles matières, textures, pièces de design iconiques, miroirs fumés et de couleur rose, tonalités poudrées et moquette sur mesure, décalée et bucolique. Précédemment, en septembre 2018, il avait signé l’Hôtel Bowmann cinq étoiles, installé dans un immeuble haussmannien du boulevard Haussmann à Paris, où il avait excellé en matière de dialogue entre les époques. Car l’architecte d’intérieur aime particulièrement les bâtiments qui racontent une histoire… De retour du Japon, où il vient d’achever la suite présidentielle du Park Hyatt Tokyo traduisant l’architecture à la française, il nous parle de son parcours, de ses projets actuels et à venir.
Comment êtes-vous devenu architecte d’intérieur ? Était-ce une vocation ?
Laurent Maugoust : Mon père a une formation d’architecte et ma mère, institutrice, a eu une formation aux Beaux-Arts. J’ai été baigné dans ce milieu-là. J’ai toujours aimé dessiner, depuis tout petit. En grandissant, à l’âge de 12 ans, au lieu d’aller jouer au foot, je prenais des cours du soir aux Beaux-Arts ! Même si, à l’approche du bac, j’étais très attiré par la scénographie, j’ai intégré l’école Camondo et ai décroché mon diplôme en 1999, puis je me suis orienté vers l’architecture intérieure, car j’aimais l’espace et le design. À Camondo, j’étais aussi l’un des seuls à adorer puiser dans la déco.
Vous avez débuté votre carrière chez l’architecte Christian de Portzamparc, avant de collaborer avec Jean-Philippe Nuel pendant près de dix ans, tout en ayant créé votre propre agence. Une très bonne école pour appréhender la décoration hôtelière haut de gamme !
Laurent Maugoust : Oui. Quand j’ai commencé à travailler avec Jean-Philippe Nuel, il y a environ vingt ans, il avait une toute petite agence, et n’était pas encore très connu. Il réalisait quelques projets de boutiques-hôtels parisiens. Il est architecte, il avait fait les Beaux-Arts et il avait une formation classique. Cela m’a beaucoup aidé ! J’ai un petit faible pour l’architecture classique, même si je conçois des architectures intérieures modernes. Notre collaboration était très intéressante, car il m’a laissé la main sur certains projets. Je m’amusais, c’était incroyable. Puis, au bout de six mois, j’ai fondé ma société – en 2003 – où j’ai commencé à réaliser des appartements. En même temps, Jean-Philippe m’a rappelé et j’ai poursuivi avec lui pendant neuf ans, tout en planchant sur mes projets personnels. J’ai été directeur artistique de son agence, et même chef d’agence quand son entreprise a vraiment pris de l’ampleur. Même si nous nous entendions très bien, notre collaboration a cessé, car je commençais à avoir beaucoup de commandes au sein de ma société. J’ai beaucoup appris à ses côtés, et cela m’a confronté à d’importants groupes hôteliers pour lesquels on pensait des projets d’envergure.
J’ai poursuivi avec des projets de clubs, de restaurants. Petit à petit, on m’a confié de plus en plus d’hôtels.
Quels sont vos sujets de prédilection ?
Laurent Maugoust : Les lieux chargés d’histoire un peu classiques, les bâtiments haussmanniens, XVIIIe, XIXe, Art déco… Mon propos n’est pas de raconter quelque chose de gratuit. Je suis davantage dans la lignée des architectes comme Putman qui pensent des projets indémodables que dans la tendance. J’essaie de respecter le lieu, le bâtiment, l’espace. L’Hôtel Victor Hugo à Paris par exemple est dans un bâtiment Art déco très beau. J’ai adoré retravailler avec tous ces codes Art déco en architecture intérieure, sans rupture entre le dedans et le dehors, tout en étant moderne. Cela ne sert à rien de faire des pastiches. J’aime aller plus loin.
Autre projet, la réalisation de l’Hôtel Bowmann cinq étoiles à Paris, dans un immeuble haussmannien. Elle correspondait parfaitement à mon vocabulaire. J’ai conservé au maximum les traces du passé, tout en créant des ruptures, au niveau de la salle de bains par exemple, sorte de bloc très blanc émergeant comme un rocher. De même, des agencements habillés de miroirs, qui n’altèrent pas les volumes, prolongent les perspectives, grâce à de nombreux effets de trompe-l’œil.
L’utilisation du miroir sous toutes ses formes est une constante dans votre travail…
Laurent Maugoust : Oui. J’aime beaucoup utiliser le reflet et le miroir et donner des nuances aux choses. Le miroir est artifice magnifique, surtout en architecture intérieure. Je l’utilise à chaque fois, sur les murs, les plafonds… Il trouble les espaces, les agrandit, reflète la lumière.
Sur quelles rénovations d’hôtels planchez-vous actuellement ?
Laurent Maugoust : Entre autres sur un hôtel de luxe à Carry-le-Rouet, près de la maison de Fernandel, qui sera assez moderne ; sur le Westminster à Paris, rue de la Paix, où j’effectue tous les exercices d’un style classique couplé à une pointe de modernité ; sur la restructuration d’une ancienne caserne de gendarmerie à Troyes qui sera aménagée en hôtel cinq étoiles. Nous allons nous amuser ! Tous ces projets devraient voir le jour courant 2020/2021.
Quels nouveaux codes voyez-vous émerger dans l’hôtellerie ?
Laurent Maugoust : Cela dépend. Si l’on parle d’établissements comme le Ritz ou le Crillon, les codes ne changent pas. Et il faut rester dans ces fameux codes liés aux hôtels traditionnels et très luxueux. Par contre, dans l’hôtellerie intermédiaire, les pratiques évoluent. Les espaces deviennent modulables par exemple, car le client peut aussi louer sa chambre pour y organiser des réunions. Par ailleurs, les marques modernes n’ont plus de comptoir d’accueil dans leurs hôtels. Tout est dématérialisé. Mais je pense que l’on va aussi revenir à des choses plus authentiques…
Quel hôtel rêveriez-vous de concevoir ?
Laurent Maugoust : J’ai toujours adoré les palaces un peu désuets. Je serais très heureux si un jour on me confiait la rénovation d’un important palace!
Photos: © Guillaume Grasset et © Christophe Bielsa
Retrouvez l’article complet dans notre Artravel n°88 : Été Indien
Disponible sur notre boutique– 12 € (frais de port compris)