Depuis près de quarante années, l’agence californienne EYRC, conduite par Steven Ehrlich et ses quarante collaborateurs, travaille sur une architecture humaine. Voyage dans l’univers d’un studio à l’ethos tout singulier.
Si les études offrent la méthode et la pratique, la sensibilité de l’homme vient, elle, d’un monde antérieur. Dans le cas de Steven Ehrlich, il ne serait sans doute pas présomptueux d’assumer que ses premières années furent celles qui forgèrent le caractère de l’homme. À peine son diplôme d’architecte en poche, Ehrlich part vivre, durant six années, en Afrique. Un engagement majeur qui a largement concouru à faire de Steven Ehrlich l’homme qu’il est aujourd’hui. Pour « l’anthropologiste architectural » qu’il clame être, il ne fait en effet aucun doute que sa démarche d’alors a largement contribué à définir son trait d’architecte et celui de son agence créée en 1979. Le trait mais aussi, peut-être, les méthodes, celles qu’il a apprises lors de ses années d’enseignement à l’université Ahmadu Bello, au Nigeria et celles qu’il a croisées durant ses longs séjours dans le désert du Sahara.
Aujourd’hui, à la tête d’une très large agence de plus de quarante employés, installée à Culver City en Californie, Steven Ehrlich est bien loin de son temps passé à parcourir les routes africaines. Pourtant, quelques décennies plus tard, c’est bien de cette époque dont l’homme parle. Non avec regret mais avec une grande reconnaissance de cet apport, intellectuel, philosophique, qui lui a été permis de rencontrer. De ce parcours initiatique, se dégage aujourd’hui la notion forte de l’humain. Une notion remise au centre des activités de l’agence. Un engagement, et un « modernisme multiculturel » qui fait tant ici la fierté des équipes, plus qu’un gadget marketing qui a permis à l’agence EYRC de multiplier les prix depuis près de quarante années. Et dans les faits, cela donne quoi ? Une attitude qui s’ouvre vers le champ des possibles sans ne jamais s’imposer de règles fixes. Un défi fait aux normes établies et l’exigence d’être constamment créatifs.
Mais aussi une rigueur et surtout la conviction que l’architecture doit rester un élément d’agrément et non d’ennui ou de posture. Des composantes que l’on retrouve aisément dans des projets comme celui de Coldwater Canyon ou de Crescent Drive où la grâce et la simplicité prennent le pas sur une architecture complexe et inintelligible. Ici, les traits s’intègrent plutôt qu’ils ne s’opposent, pour faire un tout cohérent avec l’environnement mais aussi avec les interactions de vie d’une maison. Une matrice que l’on retrouve aussi sur le projet Ridge Mountain, une architecture qui semble tout droit sortie des roches de la montagne qu’elle a investie, honorant ses saillies par une réponse rectiligne et franche. Pour la résidence McElroy, les architectes ont là aussi fait le pari de l’ouverture, entièrement tournée vers la baie et l’océan Pacifique des côtes de Californie que l’on voit poindre au loin. Et de réaliser que sous couvert de simplicité, c’est bien d’humanisme dont il s’agit.
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