Mécanique d’une architecture émotionnelle
Créée depuis 1991, l’agence australienne d’architecture et de décoration d’intérieur Robert Mills est aujourd’hui l’une des agences les plus en vue de la grande île australe. Petit décryptage.
Ce qui frappe avant tout lorsque l’on observe les projets du cabinet d’architecture australien Robert Mills, c’est l’aisance inqualifiable de leurs contours. Aériennes, d’une simplicité visuelle incroyable, les réalisations de Robert Mills semblent tout droit sorties de l’évidence. Créé depuis plus de vingt-cinq années, Robert Mills Architects & Interior Designers est depuis lors installé dans la ville de Melbourne. Une ville de la côte sud, qui jouit tout autant de l’ineffable décontraction australienne que de l’un des viviers culturels les plus riches du pays. Serait-ce là, la seule réponse à la clarté géniale des lignes de Robert Mills ? Ça et peut-être l’incontournable rapport que le peuple tout entier porte à la nature qui lui a été richement offerte… Car la nature n’est jamais évidemment très loin dans les espaces conçus par l’agence. De la maison Sorrento en passant par la résidence Brighton ou la maison South Yarra, c’est l’environnement de chacune d’entre elles qui a déterminé sa construction, son orientation et souvent même ses formes. Point d’orgue de ce préalable, la maison de l’Océan, qui semble se donner toute entière aux falaises, aux dunes et à la mer de la Great Ocean Road (dans la région de Victoria), sur laquelle elle siège sublimement.
Mais cet apparat ne vient pas seul. Car si les maisons de Robert Mills semblent s’offrir sans limite à la nature, elles conservent toutes en elles ce sens très fort du privé et de l’intime, si chers aux individus. Comme dans cette maison de Ross Street entièrement oblitérée du coté rue, mais qui à l’arrière, a été entièrement parée de verre pour offrir une connexion parfaite avec son jardin. Un contraste que l’on retrouve par ailleurs jusque dans les intérieurs de la maison qui multiplient les astuces et les moyens pour allouer autant d’espaces partagés que de pièces plus privatives. Pourtant là encore, Robert Mills ne s’arrête pas au découpage rationnel de ses mètres carrés. Au contraire, comme dans le mouvement gracieux d’une courbe dessinée par un patin sur glace, l’architecte use de sauts et de pirouettes hautement travaillés pour dresser des lignes de flux aussi souples et simples que possible et de faire rentrer l’espace dans une source d’émotion, subrepticement organisée. Il en a d’autant plus les capacités, que Robert Mills possède une agence intégrée de décoration d’intérieure, qui lui permet de gérer un projet dans sa globalité.
Pourtant manque encore à tout ce dispositif un élément, pour mettre en œuvre l’architecture de Robert Mills. Cet élément c’est celui des matériaux qui prolongent en substance l’idée même des projets. Du béton, du bois mais aussi du verre, pour le confort ou la transparence, auquel l’architecte ajoute selon la pertinence ou le souhait des effets, du zinc ou du basalte poli. Si le procédé n’est pas unique, l’homme n’est quoi qu’il en soit pas là pour jouer les paladins mais tout bonnement pour apporter un sens, une émotion, si maîtrisée soit-elle, à une architecture inspirée et subtilement troublante.
Robert Mills Architects & Interior Designers, www.robmills.com.au