Encres sur papier Arches, Jardin Rouge, Marrakech, Maroc, 2017. © Backside Gallery

Enluminures contemporaines 

D’où vient cette urgence de laisser sur les murs, depuis l’origine de l’humanité, la trace du souffle vital ? La plupart d’entre nous s’arrête à l’entrée de cette mystérieuse caverne ; d’autres, beaucoup plus rares, s’y engouffrent, animés d’une énergie singulière et dévorante. Sun7 est de cette tribu-là.

 

Incontestablement, la peinture de Sun7 est animée par quelque chose qui emprunte au langage, à l’image, tout en les dépassant. Explorateur du souffle, il parcourt, avec une avidité sans cesse renouvelée, les arcanes d’un énigmatique tarot, dont lui seul connaît la valeur des figures. Entre un père ancien résistant et voyageur invétéré et une mère psychanalyste, Jonas Bournat jouit très jeune d’un regard ample sur le monde. Le gamin parcourt avec ses parents l’Afrique. Quand il rentre au port, c’est dans une maison saturée de références artistiques allant de Fra Angelico à Paul Klee. Pourtant c’est à New York en 1990, lors d’un voyage chez sa marraine, que Sun7 naît, à 13 ans. Il est percuté autant par l’énergie du moment qui couvre murs et rames de métro de tags que par la découverte au MoMA des œuvres de Basquiat ou Keith Haring : « Sous mes yeux, se dessinait un pont entre l’art, la rue et les institutions. » À son retour en France, Sun7 arpente les rues de Lyon, bombes au poing et s’invente une signature, un nom. Puis c’est Paris, avec un court passage par la célèbre école de graphisme Penninghen. Mais surtout il pose sa valise à la Forge de Belleville. Il y rejoint Jean Faucheur et les VAO pour donner libre cours à une recherche graphique libre de contraintes. Là-bas on travaille sans relâche, jour et nuit. Éclaboussures, coulures enrichies de lettres inconnues, peu à peu Sun7 bâtit son langage, furieusement. La gestuelle occupe le centre de cette dynamique : « L’énergie qui anime ma main est faite d’amour, de voyage, de musique. En amont bien sûr il y a une réflexion dont la durée varie. Puis, grâce à la musique écoutée très fort, je recherche un état proche de la transe. Enfin je laisse mon corps, ma main surtout, danser sur le support avec les outils. »

“ Je laisse mes mains courir au gré du rythme, un rythme calqué sur celui du cœur, comme un pianiste. ”

Les institutions ne s’y trompent pas qui rapidement proposent à ce jeune artiste leurs hospitalités. À partir de 2007, Sun7 enchaîne les expositions dans des lieux prestigieux tels que le Palais de Tokyo, le Grand Palais, la Fondation Cartier et surtout en 2009 l’Espace Louis Vuitton. Cette dernière étape constitue un passage initiatique dans le parcours de Jonas, la possibilité de s’enfoncer encore davantage dans le mystère, et s’affranchir des codes connus jusqu’alors. Une série de portraits jaillit de cette nouvelle alchimie entre le graff et le dessin.

Pour servir sa cause, Sun7 s’empare de tous les outils nécessaires à son message : « J’adore la transparence et la fluidité des encres, la viscosité et l’étirement de la peinture à l’huile, surtout quand ça passe par la main. Je travaille beaucoup en dripping (on pense naturellement à l’Action Painting de Pollock, dont Jonas revendique humblement la filiation). Mais j’aime aussi le pointillisme et les crachotis de la bombe, les pointes biseautées des marqueurs chromés et dorés pour les calligraphies de mes Silver Diaries. À chaque support, à chaque humeur, son médium. » Des premières marques déposées sur les palissades lyonnaises aux murs des galeries internationales d’aujourd’hui, la calligraphie de Sun7 s’est densifiée, affirmée, débarrassée peu à peu d’une certaine figuration. Affranchie de l’image reconnue, elle s’achemine vers davantage de sensualité encore : « Pendant plus de dix ans, j’ai peint des portraits sur le principe des calligrammes d’Apollinaire à la sauce graffiti. Parallèlement, j’ai cherché mon propre alphabet, fait d’idéogrammes tournés vers des formes corporelles, visages ou corps de femmes dansantes. Je pars toujours de l’écriture pour arriver à l’abstraction. Je laisse mes mains courir au gré du rythme, un rythme calqué sur celui du cœur, comme un pianiste. La sensualité qui traverse mon geste est une caresse colorée. Depuis un certain temps, j’utilise beaucoup le noir et le rouge-lumière. Cette bichromie représente pour moi un aboutissement, un pas considérable vers le minimalisme. »

À l’instar de ses prestigieux prédécesseurs comme Cy Twombly, Sun7 poursuit son voyage dans les mystères du signe. Il façonne un langage spontané, irrépressible, épuré, permettant la transcendance nécessaire des fractures personnelles, s’orientant ainsi vers une sublime universalité.

www.facebook.com/SUN7.artist

www.instagram.com/jonas_sunset

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